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Création d’entreprise : quel statut juridique choisir pour son entreprise ?

Le choix et l’adaptation d’une structure juridique constituent, pour le créateur d’entreprise, un exercice difficile, tant les paramètres qui entrent en ligne de compte sont nombreux.

Par Me Vincent GICQUEL, notaire en Loire-Atlantique. @Vincent Gicquel

Est-ce que l’on souhaite entreprendre seul ou à plusieurs ? Existe-t-il un patrimoine privé à protéger ou à transmettre ? Quel statut social de son entreprise appliquer et quelles incidences peut-il avoir sur sa situation personnelle ? Quelle est la nature de l’activité exercée (commerciale, artisanale ou libérale) ? Ou encore sous quel régime d’imposition des bénéfices et des revenus se situe son activité ?

Avant toute chose, compte tenu des risques inhérents à toute création d’entreprise sur le patrimoine du couple marié, le porteur de projet a tout intérêt à opter, préalablement à son immatriculation à un registre (répertoire des métiers ou registre du commerce et des sociétés), pour un régime matrimonial fondé sur la séparation de biens. Il pourra s’agir du régime de la séparation de biens (pure et simple ou avec adoption d’une société d’acquêts) ou du régime de la participation aux acquêts.

L’objectif vise ici à limiter le gage des créanciers de l’entrepreneur à son seul patrimoine personnel afin que les biens de son conjoint ne soient pas atteints par une éventuelle saisie.

En fonction du statut choisi, le nombre de participant, la responsabilité et le régime fiscal diffèrent. Revue de détails.

CRÉATION D’ENTREPRISE PAR UNE PERSONNE SEULE

Les commerçants, artisans et prestataires de services ne relevant pas d’une profession libérale réglementée peuvent exercer leur activité, seuls, sous l’une des formes suivantes :

• La micro-entreprise 

Anciennement appelé auto-entrepreneur, ce régime ne constitue pas une forme juridique (qui reste le statut de l’entreprise individuelle), mais seulement un régime simplifié de déclaration et de versement des cotisations et contributions sociales par un prélèvement proportionnel au chiffre d’affaires, selon le principe « pas de chiffre d’affaires, pas de cotisations ».

Ce statut convient bien à un créateur qui souhaite tester son projet, dont les clients sont des particuliers et dont le chiffre d’affaires effectivement encaissé au cours de l’année civile ne dépasse pas :

- 170 000 € pour les activités commerciales d’achat/vente, de restauration et de fourniture d’hébergement (hôtels, chambres d’hôtes, gîtes ruraux, meublés de tourisme) ;

- 70 000 € pour les prestations de service et les professions libérales relevant des BNC ou des BIC.

• L’entreprise individuelle

Ce régime est opportun s’il est prévu de dépasser rapidement les limites de chiffre d’affaires des micro-entrepreneurs et que les clients attendus sont des professionnels. L’entreprise individuelle implique, pour le chef d’entreprise, une responsabilité étendue puisqu’il est indéfiniment responsable de l’intégralité des dettes de son entreprise sur son patrimoine personnel.

Notons que la résidence principale de l’entrepreneur individuel a été rendue de droit insaisissable par les créanciers professionnels dont les droits naissent après le 7 août 2015. Toutefois, pour protéger les autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle (par exemple résidence secondaire ou terrain) il sera nécessaire de procéder à une déclaration d’insaisissabilité auprès de son notaire. Cette déclaration fera l’objet de diverses publicités.

• L’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)

Ce statut permet à l’entrepreneur de protéger ses biens personnels, en créant un patrimoine affecté à son activité professionnelle distinct de son patrimoine privé et sans création de société. La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d’une déclaration effectuée par l’entrepreneur au registre dont il dépend.

• L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et la société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) pourront s’avérer intéressantes s’il est envisagé d’avoir, dans l’avenir, des associés. Le passage en société à responsabilité limitée (SARL) et en société par actions simplifiée (SAS) sera facilité. Ces deux types de sociétés permettent de limiter la responsabilité des créateurs d’entreprise au montant de leurs apports respectifs.

CRÉATION D’ENTREPRISE À PLUSIEURS PERSONNES

Si plusieurs personnes souhaitent prendre part à la création d’entreprise, on peut opter pour la création d’une des sociétés suivantes : société à responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA) ou société par actions simplifiée (SAS) – la responsabilité des associés y est limitée au montant de leur apport.

La SARL est, quant à elle, reconnue pour sa simplicité de fonctionnement et d’organisation avec de nombreuses règles fixées à l’avance. A l’inverse, la SAS est particulièrement souple et laisse le soin aux associés d’organiser précisément, dans les statuts, le fonctionnement de la société.

La société en nom collectif (SNC) est une société dans laquelle les associés sont indéfiniment et solidairement responsables de la totalité des dettes de la société. Certaines activités ne peuvent être exercées que sous une forme spécifique, par exemple, la gérance d’un débit de tabac ne peut être exercée que sous la forme ou d’une société en nom collectif (ou d’une entreprise individuelle).

LES DIFFÉRENTS RÉGIMES FISCAUX

Concernant la fiscalité, les sociétés commerciales sont soumises par principe à l’impôt sur les sociétés (IS).

L’entrepreneur individuel est soumis à l’impôt sur le revenu (IR). Lorsqu’il opte pour l’EIRL, il est soumis à l’IS avec la possibilité d’opter pour l’IR.

La SAS et la SARL sont soumises à l’IS avec possibilité d’opter pour l’IR sous certaines conditions. Le taux fixe de l’impôt sur les sociétés constitue l’un de ses avantages, alors que l’impôt sur le revenu connait un barème progressif allant jusqu’à 45% ; ce qui peut s’avérer désavantageux (le taux d’IS étant de 28% jusqu’à 500 000 € et 33,33% au-delà).

LE RÉGIME SOCIAL DU DIRIGEANT

Les entrepreneurs individuels (EIRL compris), les gérants majoritaires de SARL, les gérants associés uniques d’EURL et les gérants associés de SNC relèvent du régime des travailleurs non-salariés.

Les présidents de SAS, les dirigeants de SA, les gérants minoritaires ou égalitaires de SARL et les gérants non associés d’EURL sont assimilés salariés, soit un régime généralement plus protecteur que le régime des travailleurs non-salariés mais aussi plus coûteux.

Le choix du statut juridique peut s’avérer difficile compte tenu de la multiplicité des régimes possibles. L’option la plus adaptée à l’activité envisagée par le créateur d’entreprise devra être réalisée à la fois en fonction de son projet mais aussi de la situation du chef d’entreprise lui-même, en privilégiant l’assistance d’un professionnel.