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« On veut montrer le niveau de nos domaines »

En 2011 , Fabien Chéneau, agent commercial en vins et spiritueux, et Marie Luneau, vigneronne, ont créé l’association Les Vignes de Nantes. Rejoints depuis par Christophe Hu, sommelier conseil, ils travaillent ensemble à la valorisation des domaines viticoles nantais. Entretien avec les cofondateurs.

Fabien Chéneau, Marie Luneau et Christophe Hu. © Pauline Théon, photographe

Comment est née l’association Les Vignes de Nantes ?
Fabien Chéneau : Un jour, je suis venu voir Marie, très agacé :
j’avais appris qu’à la Convention nationale des avocats qui se tenait à Nantes, seuls du champagne et des bordeaux allaient être bus. J’étais certain qu’on était bien les seuls à ne pas proposer des vins locaux à un tel événement, tout cela parce qu’on estimait qu’ils n’étaient pas à la hauteur. L’association est née d’un coup de gueule.

Quelles ont été vos motivations ? 
Marie Luneau : Nous voulions créer du lien entre les domaines sur le plan social, technique, commercial et développer un esprit de solidarité. Nous souhaitions aussi donner un vrai souffle d’avenir à des domaines qui proposent une vraie diversité – rouge, blanc, rosé, bulles… – et en même temps apporter de la visibilité au territoire.

Quel était le contexte alors ?
FC : En 2011, les muscadets n’avaient pas le vent en poupe, tout au moins sur notre territoire. Car, à l’export, ça marchait déjà très bien, les autres pays n’ayant pas les mêmes a priori. 
ML : Les 16 domaines membres des Vignes de Nantes exportent entre 30 et 70 % de leur volume dans 50 pays. En tête des pays importateurs, on retrouve les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Europe proche, notamment la Belgique et la Scandinavie.
FC : Si on devait trouver dix marques de Loire-Atlantique connues dans le monde entier, on citerait sans doute Airbus, le sel de Guérande… Et à coup sûr, on y retrouverait le muscadet, exporté dans plus de 120 pays !

Comment expliquez-vous un tel déficit d’image sur le territoire ?
FC : D’un côté, les vignerons ont longtemps estimé que les restaurateurs n’avaient qu’à se déplacer s’ils voulaient les connaître. Et de l’autre, les restaurateurs attendaient eux aussi que les vignerons viennent les voir…
Il faut dire qu’à l’époque, on vendait plutôt des domaines disposant d’une reconnaissance, et que peu en bénéficiaient ici. Depuis, ça a changé et, par ailleurs, les restaurateurs sont plutôt à la recherche de petits vignerons désormais. L’intérêt pour le locavore leur a permis de prendre conscience des produits formidables présents sur le territoire. 

Quels ont été vos principaux axes de travail ?
FC : Nous avons cherché à mettre en relation les restaurateurs et les cavistes avec les vignerons de qualité. Certains d’entre eux ont toujours eu ce parti pris, mais la montée en qualité est aussi venue avec l’arrivée d’une jeune génération. En même temps, s’est installée une nouvelle génération de restaurateurs qui n’avaient pas forcément d’a priori sur les vins locaux.

Les vignerons membres des Vignes de Nantes sont issus d’une sélection drastique. Leurs vins doivent d’abord être sélectionnés par l’un des trois guides de référence : Gault & Millau, la Revue du Vin de France ou Bettane & Desseauve. Il faut aussi être adoubé par le groupe après une dégus­tation à l’aveugle. 

On veut valoriser des vignerons acteurs du métier traditionnel.
Le bio n’est pas un critère, mais il se trouve qu’ils sont quasiment tous bio ou en biodynamie. Pour autant, on ne veut pas être une chapelle, on se moque des appellations. Ce qui nous importe, c’est que ce soit local et bon.

Quel bilan faites-vous de votre action ?
ML : Nos objectifs initiaux sont atteints : le lien a été créé entre des domaines phares du vignoble nantais et nous leur avons redonné la place qu’ils méritaient auprès des professionnels et des particuliers.
FC : On a eu la chance inouïe de bénéficier d’un alignement des planètes. Quand on a démarré, il y avait peut-être dix restaurants qui proposaient cinq muscadets sur leur carte en Loire-Atlantique. Aujourd’hui, on n’est pas loin de la centaine. 

« On ne veut pas être une chapelle, on se moque des appellations. Ce qui nous importe, c’est que ce soit local et bon. »

Fabien Chéneau

Quelles sont les prochaines étapes pour Les Vignes de Nantes ?
FC : La troisième étape de notre projet est difficile à mettre en œuvre aujourd’hui. Ce serait de faire en sorte que les entre­prises considèrent le muscadet comme un emblème de la région. Nous avions mis sur pied, avec le Medef 44, un projet intitulé « Viens parrainer ton cep ». L’objectif de cette opération étant d’initier un vrai contact avec les chefs d’entreprise de Loire-Atlantique, de leur montrer le niveau de nos domaines. Mais, pour le moment, nous ne savons pas si ce partenariat va prendre corps. Nous aurons réussi lorsque, au lieu de donner en fin d’année une bouteille de champagne à leurs clients, les entreprises leur offriront une bouteille de muscadet !

L’autre prochaine étape, c’est d’aller voir les établissements côtiers. Pour l’instant, ils achètent des vins d’étiquette comme on les appelle, c’est-à-dire des marques. Le rêve, ce serait que demain ils proposent sur leur carte des vins de Loire composés à 50% de muscadets, ce qui est maintenant le cas dans les restaurants des Tables de Nantes par exemple.

Mon rêve ultime ? Avoir un Guy Roux au service des Vignes de Nantes. Quand l’entraîneur d’Auxerre prenait la parole, il arrivait toujours à mettre le mot « Chablis » quelque part. Ça, on ne l’a pas. On cherche donc un Guy Roux avec du muscadet coulant dans ses veines !