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« Notre parti pris ? Prendre des risques »

Après avoir fait ses armes entrepreneuriales dans la Silicon Valley, Rob Spiro est venu s’implanter à Nantes et y a fondé Imagination Machine. Une initiative qui fait naître des projets et grandir des start-up à impact positif. Entretien.

Rob Spiro, American entrepreneur and Director of Imagination Machine, poses in Nantes, France, November 30, 2017. REUTERS/Stephane Mahe

Pouvez-vous présenter Imagination Machine ?

On a commencé fin 2017 et, au début, l’idée était d’être un accélérateur de start-up avec le soutien d’investisseurs nantais.
En parallèle, on a mis en place un modèle studio : on cherche des entrepreneurs sans projets, des gens talentueux, ambitieux. De notre côté, on a nos propres concepts. Puis, ensemble, on essaie ces concepts. C’est le cas des Mini Mondes, par exemple. On avait identifié une opportunité de créer une nouvelle gamme de jouets, mais on n’avait pas identifié le concept, la stratégie. C’est l’équipe que l’on a recrutée qui a creusé l’opportunité avec nous en suivant une méthodologie : on a étudié les opportunités de marchés, puis testé plein d’idées avant de lancer le projet. Les tests marché sont allés au-delà de nos attentes et on a décidé de lancer la commercialisation.
C’est ce deuxième modèle d’Imagination Machine qui a bien fonctionné.

En quoi est-ce différenciant ?

On permet aux gens d’entreprendre avec beaucoup moins de risques, un concept qui existe depuis une vingtaine d’années aux États-Unis. Il n’y a pas beaucoup de studios, ou alors il s’agit de modèles avec des entrepreneurs qui ont déjà réussi. C’est difficile à lancer avec des primo-entrepreneurs : il faut une méthodologie et un état d’esprit qu’on n’apprend pas dans une école de commerce. C’est plutôt quelque chose qu’il faut vivre ! Et pour recruter les bons talents, il faut bénéficier d’une certaine crédibilité. Les entrepreneurs que l’on recrute et qui deviennent avec nous les cofondateurs d’un projet doivent avoir de l’énergie, l’ambition de créer quelque chose d’immense et en même temps être humbles. Notre méthodologie nécessite d’être à l’écoute de nos clients potentiels et elle ne fonctionne pas si les entrepreneurs ont trop d’ego… On cherche aussi des personnes ayant une bonne compréhension du monde et une vision business large, pas des spécialistes métiers, et qui veulent trouver un alignement des planètes entre leurs valeurs et leur travail. Depuis le départ en effet, notre philosophie avec Imagination Machine, c’est de soutenir les start-up à impact positif, qu’il soit sociétal ou écologique.
On reçoit une cinquantaine de candidats par mois. Ils viennent de Nantes, on a aussi beaucoup de Parisiens, quelques étrangers aussi, de plus en plus même, car nos start-up font parler d’elles.

Quel bilan faites-vous au bout de deux ans ?

Pour nous, c’est encore le début. Ça s’annonce bien : on a réussi à recruter des entrepreneurs et monté six start-up (lire l’encadré). On en a aussi trois en incubation qu’on n’a pas encore lancées. Cinq projets ont en revanche commencé puis ont été arrêtés, certains au bout de trois mois, d’autres au bout d’un an : soit il n’y avait pas de marché, soit on n’a pas été assez malins pour trouver le bon concept… Mais c’est normal et ça a même été notre parti pris dès le départ de prendre des risques, tenter des choses. Même s’il est trop tôt pour parler de taux de réussite, une grosse moitié de nos projets sortent du lot, c’est-à-dire trouvent un marché. Ça ne veut pas dire qu’ils vont réussir, mais c’est un premier retour positif. Si ce pourcentage était plus élevé, ça voudrait dire qu’on ne prend pas suffisamment de risques.

« Il y a ici une forte culture autour de l’économie sociale et solidaire, mais c’est peut-être un peu nouveau de mélanger ça avec l’esprit start-up. »

Rob Spiro

Pourquoi avoir choisi de soutenir des projets à impacts positifs uniquement ?

En 2011, j’avais monté Good Eggs, une entreprise à impact positif à San Francisco. Et, à l’époque on n’était pas les seuls. Aux États-Unis, le monde du business gouverne les secteurs majeurs de notre société comme la santé, l’éducation même. En France, les secteurs public et associatif sont beaucoup plus présents sur ces domaines, tandis que le secteur business est plus réduit dans son champ d’influence. Il y a ici une forte culture autour de l’économie sociale et solidaire, mais c’est peut-être un peu nouveau de mélanger ça avec l’esprit start-up.

Quel retour d’expérience faites-vous sur le « start-up system » à la française ?

Il y a un fort écosystème, beaucoup de capitaux prêts à être investis. Les freins sont plutôt culturels, l’état d’esprit étant plus conservateur en France qu’aux États-Unis : on prend naturellement moins de risques à tester quelque chose de nouveau, on essaie plutôt de pérenniser ce qui fonctionne. Mais il y a aussi une vraie volonté d’innover. On manque encore d’un géant de l’Internet comme Google ou Facebook, mais je pense que ça va arriver.

La crise liée au coronavirus risque-t-elle de changer la donne ? 

Dans le monde des start-up, ce genre de crise économique est le cadre d’une accélération de l’innovation. C’est le moment où l’on est forcé d’innover pour trouver des moyens de survivre. Par ailleurs, par rapport à 2008, l’écosystème est beaucoup plus évolué aujourd’hui. Je suis confiant.

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Les start-up « Tech for good » cofondées avec Imagination Machine

  • Beem : un kit solaire prêt à l’emploi pour produire une électricité verte pour sa propre consommation.
  • Il Était Plusieurs Fois : un site d’achat/revente de vêtements et accessoires de seconde main « casual chic » pour les enfants de 0 à 8 ans.
  • Jho : une gamme de protections hygiéniques en coton biologique.
  • Les Mini Mondes : du contenu éducatif et des jouets responsables pour les enfants de 18 mois à 6 ans.
  • UpTogether : une offre d’apprentissage du management sous la forme d’un réseau de coaching collaboratif entre managers.
  • Vite Mon Marché : pour acheter des aliments frais, en direct des producteurs locaux.