Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Quelles voies pour 2020 ?

Nous avons demandé à quatre personnalités de nous confier leur vision et/ou leurs aspirations pour le territoire et l’année qui s’ouvre. Un exercice de prospective qui donne forcément matière à réflexions…

Yann Trichard, dirigeant de Syd Conseil et président de la CCI Nantes St-Nazaire

« Entreprises : investissez, recrutez, diversifiez-vous ! »

« Un certain nombre de personnes sur nos territoires disent qu’on va rentrer dans une logique de récession. Cela ne correspond à rien de réel. À l’inverse, on peut créer des prophéties auto-réalisatrices ! 

La guerre économique sino-américaine n’a d’impact que pour certaines activités très exposées aux marchés internationaux. Pour toutes les entreprises où l’essentiel de l’activité se situe en France, il n’y a pas de raison de nourrir d’inquiétudes.

Il faut se rappeler que sur le territoire de la Loire-Atlantique et la région Pays de la Loire, on a plusieurs locomotives. En premier, il y a les Chantiers de l’Atlantique avec un carnet de commandes plein à plus de dix ans, 10 000 emplois directs et du travail pour tous les sous-traitants et les sous-traitants de ces sous-traitants… À cela, on ajoute Airbus qui vient de repasser premier constructeur mondial et qui, certes a arrêté la production des A380, mais qui est reparti beaucoup plus fort sur l’A320. Là encore, tous les sous-traitants et leurs sous-traitants sont sécurisés pour les dix ans à venir.

On a une troisième locomotive avec EDF énergies nouvelles et General Electric, avec des opportunités de marché qui, si on ne les prend pas, seront prises par d’autres. C’est à nos entreprises, en particulier industrielles, de se préparer sur les EMR pour se positionner.

On adjoint à cela une pluralité d’activités, qui constitue une particularité du département : globalement, on fait de tout. 

À cela, s’ajoutent une situation économique départementale qui est très bonne, un taux de chômage qui continue de baisser, une activité économique qui génère des revenus pour les collectivités locales, des taux bancaires historiquement bas, avec aucune raison pour qu’ils remontent à court terme et, enfin, un bon taux de confiance des ménages.

Donc il n’y a aucune raison de récession, au moins dans les six prochains mois. Après, on verra, mais je vois plutôt une très belle année 2020. Je dis donc aux entreprises : investissez, recrutez, diversifiez-vous pour éviter une trop grande dépendance, parce que c’est dans des périodes comme celle-là qu’il y a des parts de marchés à prendre ! »

Laurence Vernay, avocate associée chez TGS France, présidente de Femmes Chefs d’entreprise Pays de la Loire 

« Faire de Nantes un territoire d’excellence à travers la RSE »

« Je souhaite que la Loire-Atlantique devienne un territoire exemplaire en matière de mixité et d’égalité professionnelle. Ce qui pourrait se traduire par encore plus d’équité des rémunérations et d’égalité de représentation dans les organes de gouvernance, tant dans les milieux politique, qu’économique ou culturel. 

Il n’y a pas de recette miracle pour y parvenir, mais un ensemble d’actions et de politiques d’incitations à mener, de vigilance à avoir, en particulier auprès des jeunes et des femmes en reconversion. Cela passe aussi par une politique de soutien, financier notamment, et une multiplicité de réseaux qui s’emparent du sujet. 

Les mondes institutionnels et politiques ce sont bien mis en route, mais je regrette que le sujet soit trop porté par les femmes. Il faut que des hommes portent cette parole-là aussi pour que cela ne reste pas un sujet féminin. Et dans le milieu économique, on voit beaucoup de dirigeants alertés sur un thème qui rejoint la RSE. Je suis donc, sur ce vœu, optimiste. On a tous les outils et toutes les bonnes volontés sur le territoire pour y arriver.

J’ai un deuxième vœu à formuler. Depuis septembre, je suis vice-présidente de la CCI Nantes St-Nazaire, en charge de la formation, de l’adéquation emploi/compétences et de l’inclusion. C’est un enjeu fondamental pour notre territoire. Les entreprises sont globalement plutôt en forme et face à la problématique du recrutement, on sait qu’elles ont un travail à mener en termes de marque employeur. Mais il y aussi une réflexion à mener avec le monde éducatif pour que sortent de nos écoles et de l’université des jeunes avec des compétences en adéquation avec les besoins des entreprises. Il y a déjà un travail énorme qui a été mené, mais il faut que l’on renforce encore la perméabilité entre le monde économique et celui de l’éducation, tant pour les jeunes qu’en matière de formation continue.

Puisque l’on est en bonne santé économique, il faut que l’on soit encore plus exemplaire et 2020 peut être une année intéressante pour faire de Nantes un territoire d’excellence à travers la RSE ! »

Sandrine Roudaut, chercheuse et semeuse d’utopies 

« Il faut se réconcilier avec son audace »

« On est dans un système mondialisé, donc très fragile, dans lequel il peut arriver n’importe quoi. La seule chose que l’on maîtrise, c’est le sens, donc le cap. Et ensuite, c’est la détermination à tenir ce cap. Je crois beaucoup en cette vision de l’avenir.

Si j’avais un souhait sur la décennie à venir, ce serait que dans chacune de nos décisions, on ait l’impression de faire quelque chose d’important. Le territoire nantais au départ, c’est Jules Verne. Il faut revenir à de l’audace, de la vision et surtout à de la pensée libre. 

J’ai envie de réinterroger la notion de progrès qui, pour moi, est une notion en perdition. On s’accroche à de vieux paradigmes, on est dans le futur antérieur, en ce sens qu’on est toujours dans la même vision du futur depuis les années 50. Il faudrait pouvoir abandonner notre héritage – et c’est ce qu’il y a de plus dur car on ne veut pas renier tout ce qu’on a été jusqu’à présent – être totalement vierge, se dire, ok, maintenant, c’est feuille blanche. Et il faudrait se débarrasser de la mono-croyance qui consiste à dire que le progrès, c’est forcément le high-tech. On voit toutes les start-up dont l’objectif est de lever des fonds pour ensuite de nouveau lever des fonds qui vont rembourser les premiers investisseurs. Jamais on n’interroge le modèle économique de ces start-up pour lesquels les investisseurs, les élus, s’emballent ! Inversement, il y a plein de petites entreprises ou de PME dont on sous-estime le poids et leur apport au nouveau monde.

Il y a une espèce de parenthèse, qui s’appelle la société de consommation, basée sur l’obsolescence programmée des produits, avec une ponction maximum des ressources et la production de nombreux déchets. Et, aujourd’hui, on ne peut plus se le permettre. 

Ce que j’imagine, ce sont de vraies inventions, qui soient au service de la résilience. Et la résilience c’est comment, avec mon écosystème, j’arrive à vivre, et vivre bien ! Ce n’est pas le retour à la bougie ! Ceux qui disent cela, ce sont eux les conservateurs. Ceux qui changent l’Histoire, ce sont toujours ceux qui sont à contre-courant. Il faut donc se réconcilier avec son audace, voir grand, inventer grand ! »

Pascal Lefeuvre, expert en développement personnel et coach professionnel certifié

« Regardez la boussole avant la montre »

« On vit une mutation comme ça arrive peu dans l’histoire de l’humanité. On est en plein dedans. Le changement, c’est maintenant, mais il faut vraiment oser y aller ! 

Je rencontre des dirigeants qui ont des préoccupations : trop de turn-over, un manque de sens dans leur entreprise, des difficultés à caler les valeurs de leur codir… Il faut orchestrer ces ingrédients, facteurs clés de succès pour aller ver un nouvel équilibre, meilleur, parce que de toute façon, il n’y a pas d’alternative : l’issue d’une période chaotique, c’est l’effondrement ou la résilience. 

Mais c’est difficile parce que d’abord, les gens ont peur et notre premier réflexe depuis la naissance, c’est de penser que changement égale souffrance. Ensuite, l’être humain n’est pas enclin à faire des sacrifices qui ne vont pas lui rapporter directement : on n’est pas fait pour ça. 

Notre ancien monde qui ne veut pas mourir empêche un nouveau monde de naître qui, lui, en plus, a peur de naître… La période que l’on est en train de traverser est infiniment complexe ! Ce modèle ne fonctionne plus mais la folie, comme le disait Einstein, serait de croire qu’en faisant sans arrêt la même chose, on arrivera à quelque chose de différent. 

Le chaos, c’est l’énergie du renouveau, ce qu’on appelle la résilience. Il faut monopoliser cette capacité que l’on a tous en soi et qui permet de désapprendre pour réapprendre. 

Dans notre culture, on passe notre temps à être focalisé sur la montre, c’est-à-dire le comment : quelles sont mes priorités stratégiques à deux ou trois ans ? Quels sont mes plans d’actions à six mois ? C’est une grave erreur. Si on veut redonner du sens à l’entreprise, lui donner un nouvel élan, il faut se focaliser sur la boussole. La boussole, c’est s’interroger sur ce qu’est notre raison d’être, notre ambition à cinq-huit ans, nos valeurs. Et de ces ingrédients, on en conclut nos principes de fonctionnement, de management. En-dessous, après, les priorités stratégiques et les plans d’actions, c’est de la roupie de sansonnet ! Il faut regarder la boussole avant la montre, la destination avant le chemin et le faire tous ensemble. »

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