Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Reprise dans un état émotionnel à risque

Motivation, gestion des émotions, remobilisation... Les entreprises rouvrent avec des équipes fragilisées par huit semaines inédites de confinement. Comment, dans ces conditions, retrouver un bon niveau d'efficacité ? Éléments de réponse avec le cabinet de conseil nantais Humanely.

Colleagues in the office practicing alternative greeting for safety and protection during COVID-19

 À la veille du déconfinement, le 6 mai, le cabinet de conseil en management Humanely organisait un webinaire pour partager quelques outils à destination des chefs d’entreprise. Le but : améliorer le dialogue au travail après un confinement que chaque collaborateur a pu vivre différemment. Logement, situation familiale, peurs à différents niveaux, proximité avec des personnes travaillant avec le virus… Steven Poinot, CEO et fondateur du cabinet analyse : « Plusieurs de ces facteurs sont inaccessibles aux managers. Ils peuvent démultiplier les tensions dans les équipes, d’autant que le télétravail a induit une violation des frontières entre les sphères professionnelles et personnelles. La majorité  des personnes attendent plutôt des vacances que de se retrousser les manches. » Une cellule d’aide psychologique a ainsi pu être mise en place dans une centaine d’entreprises interrogées par Humanely.

Steven Poinot, accompagné d’Emmanuel Buée, dirigeant fondateur du cabinet de conseil en management Cahra, dresse un constat : « Deux phénomènes étaient déjà présents avant le confinement et la crise en est le révélateur. Le premier, c’est une révolution économique et sociétale qui demande de s’adapter pour faire preuve de solidarité et prendre en compte l’impact environnemental de ses actions ».

Le second, c’est une quête de sens généralisée. Il est rare que nous vivions tous au même moment un temps de questionnement personnel tel que nous venons de le vivre. Il s’agit d’une transformation profonde pour les mois à venir et les actes posés aujourd’hui sont importants. 

Et l’expert d’entrevoir différentes hypothèses : « Des salariés oseront quitter leur travail car ils ne se sentiront plus alignés avec leurs valeurs, d’autres resteront à la maison par peur et en même temps des leaders vont se révéler. » Le travail est en mouvement perpétuel. Il se réorganise aujourd’hui « et il va falloir trouver d’autres organisations à partir du déconfinement et probablement en septembre ». Pour Emmanuel Buée, « nous sommes dans un vrai changement de paradigme avec les nouvelles générations. Elles nous poussent à passer de ‘‘l’avoir‘‘ à ‘‘l’être‘‘«Le déconfinement est un vrai défi humain et managérial», estime Steven Poinot, dirigeant du cabinet Humanely. L’expert conseille de sonder chaque collaborateur.. Nous sommes dans une logique d’épanouissement personnel. Cela prendra plusieurs années à se matérialiser, le temps que ces jeunes prennent le pouvoir. C’est un moment exceptionnel et angoissant à la fois. »

« MÉTÉO INTÉRIEURE »

La reprise du travail risque d’être plus violente que le confinement, estime Steven Poinot. Selon une étude d’Empreinte humaine et Opinion Way, réalisée entre le 30 mars et le  8 avril, un salarié sur deux était en situation de détresse psychologique. Dans ces conditions, « il est nécessaire de sonder les collaborateurs pour analyser les situations avec clarté, estime Steven Poinot. Le déconfinement est un vrai défi humain et managérial. »

Humanely préconise ainsi de réaliser « une météo intérieure ». 
Il s’agit de demander à chacun de qualifier son état intérieur par un mot. Angoisse, espoir, colère, peur, intérêt, satisfaction… « Réaliser ce sondage régulièrement montre que les états émotionnels sont très hétérogènes et changent. Des incompréhensions ou des dissensions existent déjà dans les équipes. Pour générer de l’efficacité collective, cette météo permet de prendre le pouls et de créer une connexion émotionnelle. » Mais attention : il ne faut pas que cela soit « un gadget rituel ».  S’il n’y a pas de bienveillance et d’écoute attentive, il peut y avoir des masques, des altérations de la réalité en fonction de ce que le collaborateur projette des 
attentes de son manager. « L’usage de cet outil est fondamental. S’il est utilisé dans un objectif de manipulation, cela est très malsain. Le but est l’inclusion collective. Cela demande des séances de préparation pour celui ou celle qui le met en place.»

RELATIONS FONDAMENTALES À L’EFFICACITÉ

Par ailleurs, « la manière dont les collaborateurs réalisent leur travail dépend de leur relation avec leurs collègues », rappelle Steven Poinot. Selon le modèle de Tuckman , cette relation se découpe ainsi : Forning (enthousiasme) puis Storming (les personnalités prennent leurs marques, s’affrontent), suivi de Norming (création de référentiels et d’un fonctionnement communs) et enfin Performing (stade d’efficacité pleine d’une équipe). « Ce n’est pas un modèle linéaire. La dynamique est modifiée chaque fois qu’une personne part ou intègre l’équipe. Selon les expériences de chacun, il y aura plus ou moins de capacité à accepter une nouvelle situation. Certaines équipes peuvent rester bloquées à une des étapes et cela affecte la productivité. » Le modèle de Tuckman peut ainsi être utilisé pour analyser le fonctionnement de l’équipe pendant le confinement et après, sachant qu’il peut évoluer en fonction de l’état émotionnel des collaborateurs.Et Steven Poinot de conclure : « Nos systèmes de management sont obsolètes. Nous vivons une période très difficile mais aussi formidable car elle donne une opportunité pour évoluer. Les entreprises à mission seront les plus pérennes demain. À court terme, la crédibilité sociétale ne pourra plus être toilettée, elle devra être incarnée avec une pratique managériale collaborative. » Une approche qui, pour Emmanuel Buée, demandera aux managers « un gros travail de remise en question pour ceux de ma génération car nous n’avons pas été formés pour ça. »

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