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Stéphane LE GUIRIEC, gérant de la confiserie Les Rigolettes Nantaises

Cet ancien clerc de notaire a repris la confiserie Les Rigolettes Nantaises en 2010. Une histoire d’amour et de hasard…

© IJ

Quelle est votre parcours ?

Les études, ça n’était pas mon truc. Après avoir loupé le brevet, j’ai raté le Bac. Je ne voulais pas le repasser alors j’ai regardé ce que je pouvais faire sans : c’était statisticien ou clerc de notaire. J’ai choisi la voie du notariat. Je suis entré sur concours au Centre de formation professionnelle notariale de Rennes et là encore, j’ai loupé ma première année. Mes parents ont commencé à s’inquiéter sérieusement, mais j’ai fini par faire mes quatre années. J’ai travaillé comme clerc principal pendant 22 ans. Je n’ai jamais passé le mémoire qui m’aurait permis d’être notaire. Je me disais que j’avais toujours ça sous le coude. Sauf que désormais j’ai un diplôme qui n’existe plus et que je ne peux plus m’installer depuis la réforme Macron. 

Et puis, en 2008, je me suis retrouvé au chômage. Personne n’embauchait plus car on était en pleine crise. Pendant deux ans, je me suis consacré au poste d’adjoint à la mairie de Malville. J’étais en charge des finances et de l’urbanisme.

Comment s’est passé le rachat des Rigolettes Nantaises ?

Je suis arrivé aux Rigolettes Nantaises comme au notariat : par hasard. On a connu beaucoup de péripéties… J’ai racheté le fonds de commerce à la barre du tribunal. Je l’ai d’ailleurs emporté face à plusieurs concurrents. Et pourtant, décrocher un emprunt quand on est chômeur, sans aucun apport et dans un délai très court, ça n’était pas évident. 

L’ouverture, elle aussi, a été épique. Il y avait alors deux boutiques : celle de la rue de Verdun et celle rue Franklin. Le magasin rue de Verdun était fermé depuis 6 mois. J’ai été propriétaire le 3 décembre 2010 et nous avons ouvert le 15, en pleine période de Noël. Nous étions 5 dans la boutique, mais personne n’avait d’expérience dans la vente. J’avais dû embaucher très vite et recruté des connaissances. Quand le premier client nous a acheté 2 kilos de rigolettes, on s’est dit que c’était bien parti. Mais la caisse a buggé. Et ce n’était que le début : les Nantais ont été très patients avec nous les premiers temps ! Il a fallu s’accrocher car on a cumulé pas mal de mésaventures au départ. Par exemple, on a été livré des chocolats de Noël le 24 décembre… Mais huit ans et demi plus tard, on est toujours là !

Comment imprime-t-on sa marque sur un produit qui existe depuis plus de 100 ans ?

La première chose que j’ai faite, c’est enlever les colorants artificiels dans les rigolettes.

Pour le reste, depuis 1902, la fabrication n’a pas changé. Elle reste artisanale. Il faut sept personnes pour faire une rigolette. La fabrication de la pulpe de fruit est ainsi faite à la main, de même que le travail du sucre ou le givrage (opération qui consiste à ajouter une couche de sucre sur les bonbons pour éviter qu’ils ne collent entre eux, NDLR).

Nous fabriquons neuf tonnes de rigolettes par an, cela représente 75% de notre chiffre d’affaires. En plus des parfums traditionnels, on réalise deux collections : printemps/été et automne/hiver. Nous avons, par exemple, proposé une série aux fleurs. En tout, nous présentons pas moins de 22 parfums.

À côté de ce produit phare, nous vendons aussi des chocolats, des bonbons anciens, des calissons et des nougats car les Nantais aiment ça, et même des Berlingots nantais, qui sont pourtant les concurrents historiques des rigolettes.

Qui sont vos clients ?

Ceux qui nous font vivre, ce sont les Nantais. On est un produit culturel, on fait partie du patrimoine de la ville. D’ailleurs, nous avons fait la demande pour obtenir le label Entreprise du Patrimoine Vivant*.

Nos clients ont de 7 à 107 ans, on reçoit vraiment toutes les générations.
Et pourtant, je pense qu’il y a 50% des Nantais qui ne nous connaissent pas. 

Nous vendons aussi dans toute la France auprès d’une petite trentaine de détaillants. On a également un site marchand depuis quatre ans. Il y a tout un potentiel à développer, mais on est petits. Il faudrait embaucher et je ne veux pas faire de management… Et je choisis ceux avec lesquels je veux travailler. On a refusé de travailler avec Amazon par exemple, un choix éthique. Quand on leur a dit non, ils n’ont pas compris. 

On a aussi été approchés par la grande distribution, mais si les Nantais nous voient dans les grandes surfaces, ils vont penser qu’on n’est plus artisanaux et que ce n’est plus la peine de venir à la boutique.

Vous exportez les rigolettes… 

Nous exportons au Japon et au Canada. On travaille au feeling. Avec le Japon, un jour d’été 2012, un homme est entré dans le magasin en polo avec trois autres personnes. Ils ont demandé à voir le patron. C’était le DG du magasin de luxe Isetan à Tokyo. Il m’a demandé si j’accepterais de venir pour un salon de la France au Japon. Puis on n’a plus eu de nouvelles pendant 4 mois. Jusqu’au jour où j’ai reçu l’appel d’un importateur japonais pour une commande. Ils m’ont payé le voyage jusqu’à Tokyo. Quand je suis arrivé devant ce grand magasin prestigieux, ça a été un choc : dans cet immeuble de 10 étages, mes boîtes étaient valorisées sur trois étages ! Les 2 500 boîtes ont été vendues dans la journée parce que le produit avait été mis en avant, alors que le salon venait à peine de commencer ! On m’a même demandé de signer des boîtes…

Quelle expérience retirez-vous de l’international ?

Lorsque toutes les boîtes de rigolettes se sont vendues en une journée, j’ai voulu réapprovisionner le grand magasin pour le week-end. Les commerçants de la rue de Verdun se sont même mobilisés pour nous aider à faire des boîtes dans l’urgence. Sauf que je n’ai jamais eu de réponse du client japonais concernant ma demande de réassort… Ils ne fonctionnent pas de la même manière que nous. J’ai constaté aussi que l’humour tombait à plat et qu’il faut faire attention à ce que l’on dit. 

On a fini par écouler le stock envoyé au ministère de la Santé au début de notre démarche d’importation, en vendant les rigolettes à 1 € l’unité dans des sachets. Et le plus fou, c’est que tout est parti !

Depuis, chaque année, nous avons une commande pour les salons de France de trois grands magasins japonais, dont celui où se rend la famille impériale : Mitsukoshi.

Comment voyez-vous l’avenir de votre activité ?

J’ai prévenu ma femme qui travaille avec moi et nos enfants : je veux que les Rigolettes Nantaises restent dans la famille ! C’est un produit unique, centenaire, naturel. 

J’aimerais aussi regagner la boutique historique, celle avec la mosaïque sur la façade, rue de la Marne. Mais tout seul je ne pourrai pas, sauf si je reçois l’aide de la mairie…

* Le label EPV est une marque de reconnaissance mise en place par l’Etat pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence.